Accéder au contenu principal

D'une poignée de voyous à une loi liberticide



Après les violences antisémites de la période récente,  Dominique Vidal, journaliste, spécialiste du Proche Orient, déconstruit l'amalgame qui conduit un député LRM à proposer de faire de l'antisionisme un délit.

Après l’annonce de l’augmentation de 74 % en 2018 des actes antisémites, et les violences qui ont émaillé ces derniers jours, quelle est votre réaction face à cette recrudescence ?

Dominique Vidal Il est très important d’être extrêmement intransigeant face à toute manifestation d’antisémitisme et plus généralement de racisme et en même temps de vraiment garder son sang-froid. Par exemple, le ministre de l’Intérieur a donné ce chiffre d’augmentation de 74% sans données plus précises nécessaires à un jugement circonstancié. Une bonne partie du caractère spectaculaire de cette augmentation est liée au fait qu’une très forte diminution est intervenue entre 2015 et 2017. 541 actes de violences sont recensés alors qu’en 2015 on en avait plus de 800. Et cela le ministre de l’Intérieur ne nous l’a absolument pas dit. Il est très important de resituer la réalité de l’antisémitisme tel qu’il est sans l’exagérer ni le diminuer.

Les insultes proférées ce week-end à l’encontre d’Alain Finkielkraut conduisent à nouveau à assimiler antisionisme et antisémitisme. Comment l’analysez-vous ?

Dominique Vidal Pour comprendre ce qui s’est passé samedi, il faut avoir en tête que Dieudonné et Alain Soral après des années d’incitation à la haine des Juifs sans être poursuivis, l’ont été. Pour continuer leur campagne antisémite, ils ont remplacé le mot Juif par le mot sioniste. C’est exactement ce qu’a fait la poignée de voyous racistes qui ont agressé verbalement Alain Finkielkraut. Sauf que ces gens ont une telle haine en eux qu’ils ne peuvent pas réussir totalement une telle opération de camouflage. Sur les vidéos, on entend ainsi très clairement « sale juif », « sale race »... Vous avez une poignée de voyous qui insultent, vous avez quelques idiots utiles qui se demandent pendant une journée si c’est vraiment antisémite, pendant ce temps-là l’orchestration médiatique fonctionne à plein. Résultat : le président du groupe d’étude sur l’antisémitisme à l’Assemblée nationale annonce qu’il va déposer un projet de loi ou de résolution contre l’antisionisme. On part de quelques cris de haine dans une rue et on finit à l’Assemblée nationale avec une loi liberticide qui, si elle était adoptée, mettrait fin à un acquis très important, l’absence du délit d’opinion en France.

Ce projet du député LaREM, Sylvain Maillard, prévoit la reconnaissance de l’antisionisme comme un délit. Quel problème pose cette proposition ?

Dominique Vidal Outre le délit d’opinion qu’elle instaurerait, cela pose un problème d’analphabétisme historique. Ceux qui prétendent que l’antisionisme serait antisémite qualifient en fait d’antisémites des millions de juifs de 1897 à nos jours qui ont majoritairement rejeté le projet d’Etat juif en Palestine. Jusqu’à 1939, 95% des juifs au bas mot étaient hostiles au projet de Herzl, porté ensuite par la Grande-Bretagne. Les vagues d’émigration d’après-guerre ne sont pas marquées par un choix sioniste mais parce qu’ils n’ont pas d’autres choix. Par exemple, les survivants de la Shoah auraient voulu aller aux Etats-Unis mais il n’y avait pas de visas. Aujourd’hui 6 millions de juifs vivent en Israël et dans les colonies et 10 millions vivent ailleurs. Tous ceux qui ne veulent pas y aller, sont-ils antisémites ? On en arrive à des analyses ubuesques, qui relèvent du surréalisme le plus débridé. C’est un enchainement de manipulation qui vise à faire taire les critiques dans un moment de radicalisation sans précédent de la politique israélienne. Comme avec cette loi du 19 juillet dernier qui promulgue que « seul le peuple juif a le droit à l’autodétermination en Israël ». Autrement dit elle instaure un Etat d’apartheid au sens propre, auquel s’ajoutent plusieurs lois d’annexion qui permettent d’enterrer la perspective des deux Etats XXX ou XXX encore des lois liberticides absolument impensables en démocratie. L’amalgame entre antisionisme et antisémistime, justifié par les agissements de quelques poignées de voyous, est le mécanisme privilégié pour faire taire les critiques. Car être identifié comme antisémite c’est une infamie.

Propos recueillis par Julia Hamlaoui (L’HUMANITE)

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

  Intervention de L. Bernier, Dole le 25 MARS 2025 Le cessez-le-feu n’a duré que deux mois ! Même si nous étions plein de craintes, lors de notre dernière manifestation le 18 janvier, nous avions salué l’accord qui avait fait naître un immense espoir parmi la population de la bande de Gaza. Depuis mardi dernier, les bombardements ont repris, faisant déjà 730 morts. Alors que déjà continuaient à manquer la nourriture, l’eau, les médicaments, c’est l’horreur qui recommence. L’armée israélienne massacre les civils et pendant ce temps les ministres organisent le nettoyage ethnique de la Bande de Gaza. La tâche est bien répartie. Aux soldats la destruction d’un territoire pour le rendre invivable, aux politiques la mise en œuvre d’un plan destiné à expulser massivement les Palestiniens sous couvert de « départs volontaires ». Une agence dirigée par le gouvernement israélien a même été créée à cet effet. Dans le même temps, en Cisjordanie, notamment à Tulkarem ...

LA PAIX MAINTENANT !

  Intervention de Laurence Bernier, pour le Réseau pour une paix juste au Proche Orient LA PAIX MAINTENANT ! Aujourd’hui, Samedi 21 septembre 2024, c’est la journée internationale de la paix, née d’une décision de l’ONU en 2001. Elle était destinée à l’origine aux institutions (Etats, provinces, communes). Mais il faut bien reconnaitre que ce sont surtout les associations qui la font vivre. « L’année 2024 marque le 25e anniversaire de l’adoption par l’Assemblée générale des Nations Unies de la Déclaration et du Programme d’action sur une culture de la paix. Dans cette déclaration, l’ONU souligne que la paix « n’est pas simplement l’absence de conflits, mais est un processus positif, dynamique, participatif qui favorise le dialogue et le règlement des conflits dans un esprit de compréhension mutuelle et de coopération « C’est pourquoi pour la journée internationale de la paix 2024, nous ap...

Le cessez-le-feu, enfin !

  Intervention de Laurence Bernier, Dole le 18 janvier 2025 L’accord de cessez-le-feu annoncé mercredi dernier a fait naître un immense espoir parmi la population de la bande de Gaza. Après 465 jours de guerre, les larmes de joies accompagnent la douleur des souvenirs, des êtres disparus, des mois de peur, des décombres d’un territoire détruit à 80 %. C’est aussi la fierté de brandir le drapeau palestinien. Pour les gazaouis, ce cessez le feu est une bouffée d’air. Enfin un jour sans bombardement ! Enfin rentrer chez soi ! Enfin l’accès à l’eau, à de la nourriture ! Enfin l’espoir de reconstruire sa vie. Nous avons été mobilisés depuis 15 mois, à Dole et dans toute la France, associations, syndicats, forces politiques, citoyennes et citoyens et nous saluons ce premier pas, fruit de la mobilisation de tous les défenseurs des droits des peuples, des droits humains, du droit international, de la mobilisation de tous les peuples à travers le monde qui ont manifes...