Patrick Baudouin est avocat au Barreau de Paris et à la Cour Pénale Internationale de La Haye.
Après avoir parlé de l’importance du Droit International, il
a parlé de la création de l’Etat israélien en 1948 pour aboutir à la situation
actuelle catastrophique en Palestine.
Il a ensuite répondu à une dizaine de questions posées par
les participants.
Depuis la création en 2002 de la Cour Pénale Internationale, le fait de se référer au Droit International a permis de juger les auteurs des crimes internationaux les plus graves, comme les génocides, les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre.
En ce moment où en Palestine la trêve a été rompue, les
bombardements et massacres ont repris, il est important de prendre un moment
pour réfléchir sur ce que dit le Droit International et sur la façon de le garder
comme boussole surtout quand il est mis en cause.
1ère observation : Après la
première guerre mondiale et le désastre de la Shoah, le sentiment de
« Plus jamais ça » a entraîné l’établissement de règles et la
création de l’ONU et d’autres conventions pour la prévention et la répression
du génocide.
2ème observation : Depuis sa
création l’Etat d’Israël a constamment violé le droit international. A
l’origine, cet état avait été créé pour donner un territoire à un peuple qui
n’en avait pas, des juifs et des palestiniens co-existaient en Palestine mais
les choses ont rapidement dégénéré quand le nouvel état d’Israël a chassé les
Palestiniens de leur terre en 1948.
En quelques
dates, les violations du Droit International par Israël
·
14 mai 1948 : Création de
l’Etat d’Israël, suivie de l’expulsion de 700 000 palestiniens chassés de leur
terre, Israël s’est immédiatement octroyé plus de terres que ce qui était
prévu.
·
Juin 1967 : Guerre des 6
jours, Israël occupe illégalement Gaza, la Cisjordanie, le Golan et le Sinaï.
·
Novembre 1967 : Résolution du
Conseil de Sécurité de l’ONU fixant 2 principes : retrait des forces
israéliennes des territoires occupés et fin de l’état de belligérance. En fait
seul le Sinaï sera rendu à l’Egypte.
·
Octobre 1973 : guerre du
Kippour suivie d’une résolution des Nations Unies reprenant les mêmes demandes
et toujours sans effet sur Israël
§
1ère intifada en 1987, suivie de
beaucoup d’autres, toutes réprimées avec une grande violence par Israël
·
Accords d’Oslo en 1993 : sous
l’égide américaine avec le président Clinton.
Rabin et Y. Arafat semblaient pouvoir arriver à un accord de paix qui n’a
pas abouti car les extrémistes des 2 bords n’en voulaient pas, le summum a été
atteint lors de l’assassinat de I. Rabin le 05 novembre 1995 (par un israélien
d’extrême droite)
§
2ème intifada en 2000 et construction
d’un mur de séparation jugé illégal par la Cour Internationale de Justice (en
2004) qui a condamné Israël à arrêter immédiatement cette construction et à
démolir le mur construit.
·
Opérations multiples : (Plomb
durci, etc.) avec des milliers de morts au mépris des résolutions des Nations
Unies.
·
Retrait de Gaza en 2006 : le Hamas avait remporté les élections
·
Janvier 2015 : la Palestine
qui a eu le statut d’état, a pu adhérer au statut de la CPI qui devient donc
compétente pour dénoncer et condamner les crimes de guerre commis par Israël
dans les territoires palestiniens (Gaza, Jérusalem-Est, Cisjordanie).
·
2016/2017 : une résolution des
Nations Unies plus précise et plus contraignante demande à Israël d’arrêter la
colonisation des territoires palestiniens – sans effet
·
Juillet 2018 : Israël qui se
targue d’être la seule démocratie du Proche Orient élit des gouvernements de
plus en plus à droite avec les ultras orthodoxes. Le 19 juillet 2018, à la
Knesset est adoptée une loi qui va faire d’Israël, « l’Etat Nation du
peuple juif », cet état considère la colonisation de la Palestine comme
son objectif incontournable.
·
2022 : Violences à nouveau
avec un gouvernement d’extrême droite le plus extrémiste qui phagocyte le
gouvernement.
·
7/10/2023 : Attentat du
Hamas, opération avec prise d’otages et actes de barbarie, crime contre
l’humanité. Espoir que la vengeance sera évitée et que la barbarie ne répondra
pas à la barbarie mais la réaction d’Israël a été terrible : massacres,
bombardements indiscriminés visant des civils qui représentent 70 % des
victimes et des dizaines de milliers de blessés. Les bombardements visent les
écoles, les lieux de culte, les hôpitaux (presque tous détruits), on affame la
population, on la déplace avec l’intention affirmée de vider la bande de Gaza
de sa population.
Devant ce bilan
catastrophique, que peut on faire ?
·
Saisine de la Cour Internationale de Justice par
l’Afrique du Sud, le 26 janvier 2024 qui a estimé qu’il y avait un risque réel évident conduisant à un génocide, Israël
a un mois pour cesser ses exactions et comparaître devant la Cour – Sans succès
·
La Cour Pénale Internationale qui est compétente
pour enquêter et poursuivre, a délivré un mandat d’arrêt international contre
le premier ministre Netanyahou et l’ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant pour
crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Si B. Netanyahou se déplace dans
un état qui a signé la convention, cet état devrait le déférer devant la CPI,
aucune immunité n’est possible mais de nombreux pays (USA, Russie, Iran, Inde
etc.) n’ont pas signé la convention. C’est quand même un problème car les
dirigeants poursuivis discréditent leurs pays.
·
La CPI est composée de magistrats indépendants
nommés par les Nations Unies. Il faut examiner en droit international ce qui se
passe en Israël / Palestine suspendre les livraisons d’armes et les accords
commerciaux et autres avec Israël mais rien n’est fait
·
Questions posées par l’assistance :
1.
Qui a organisé l’assassinat d’I. Rabin
2.
Le droit au retour prévu dans les accords d’Oslo
existe-t-il toujours ?
3.
La Palestine a toujours existé, pourquoi dire
qu’elle n’existe pas ?
4.
Des francos-israéliens ont quitté la France pour
aller combattre avec Israël, pourquoi ne sont-ils pas poursuivis ?
5.
On a l’impression que la CPI et la CIJ servent
les grandes puissances qui font ce qu’elles veulent en toute impunité, y a-t-il
2 poids, 2 mesures ?
1.
I. Rabin a été tué par l’extrême droite
israélienne pendant que Smotrich, dirigeant du parti du sionisme religieux, et
d’autres ultra-orthodoxes semaient la haine autour d’eux
2.
Quand des habitants d’un territoire sont
illégalement chassés de chez eux, il est légal de vouloir les faire revenir
mais cela suppose un accord entre les pays concernés et des modalités à
définir, ce qui n’est pas simple.
3.
Pourquoi demander un état de Palestine ? Il
faut dissocier le fait et le droit. En fait l’état de Palestine existe mais en
droit l’état palestinien n’existe pas en termes juridiques, accepté par les
Nations Unies et reconnu au niveau international.
4.
Des franco-israéliens vont combattre à Gaza pour
« massacrer les palestiniens », des avocats de la Ligue des Droits de
l’Homme déposent des plaintes mais ce serait aux pays d’origine de ces soldats
de prendre des sanctions.
5. CPI/CJI :
2 poids/2 mesures ? des poursuites ont été entamées dans des pays du Sud
(Afrique), il faudrait faire la même chose ailleurs mais la CPI ne peut rien
faire pour les ressortissants des pays qui n’ont pas ratifié les accords de la
CPI. Des enquêtes sont menées au sujet des enfants ukrainiens déportés en
Russie
Créée en 2002, la CPI est la première cour pénale internationale
permanente au monde, fondée sur un traité, chargée d’enquêter et de poursuivre
les auteurs de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, de génocide et de
crimes d’agression.
Les mandats envoient un signal indiquant que l’Etat de droit doit être
respecté et offrent une voie légale vers la justice, ce qui est essentiel pour
briser le cycle de la violence et de la vengeance.
Les pays qui reconnaissent la Cour sont obligés de soutenir les mandats.
La Cour n’a pas de police pour faire exécuter ses mandats et dépend de
ses États membres pour mettre en œuvre ses ordonnances. Cela signifie que si M.
Nétanyahou, M. Gallant se rendent dans l’un des 124 pays qui acceptent la
compétence de la Cour, les autorités du pays en question devraient les arrêter
et les livrer à un centre de détention aux Pays-Bas, où siège la Cour.
- Ce qui menace aujourd’hui
c’est la montée de l’idéologie d’extrême droite contre le droit
international et la justice internationale.
Plus de
100 000 réservistes israéliens ont cessé de participer à leurs missions de
réserve (obligatoire jusqu’à 40 ans, après avoir effectué son service militaire
– chaque année un entrainement). La contestation gagne les unités
d’élite : 1000 pilotes et aviateurs de réserve ont lancé le 10 avril un
appel au gouvernement pour exiger la libération des otages même si cela suppose
de mettre fin à la guerre à Gaza une guerre-disent-ils- « qui sert
principalement des intérêts politiques et personnels et non des intérêts
sécuritaires» . Ils sont suivis par des réservistes de la marine, une unité
d’élite du renseignement israélien et même des membres du Mossad et des anciens
élèves du prestigieux Collège de sécurité nationale.
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